Récit d'un voyage...


Je vous propose aujourd'hui d'embarquer avec moi pour un petit voyage ferroviaire qui nous emportera vers le lac Léman via Chambéry, avec un retour sur Grenoble par Lyon. Quelques photos suivront. Le texte est un peu long, j'espère qu'il ne vous embêtera pas trop. Veuillez pardonner les éventuelles fautes d'orthographe ou de style, omissions ou autres coquilles. J'espère que vous aprécierez m'accompagner pour ces 10 heures pas comme les autres!

Il est 8h20, je suis chez moi, levé depuis maintenant une heure. Je me prépare à partir pour Thonon Les Bains pour accompagner mon frère voir son parrain. Notre train quitte Grenoble à 9h26, j'ai rendez-vous à la gare à 9h. Je sors donc les fiches horaires des bus, repère celui qui m'arrange sur la ligne 1, il y en a un qui passe à 8h30. Je vérifie pour la dernière fois que tout mon équipement est dans mon sac: les billets, ma carte de réduction, des magazines ferroviaires et surtout mon fidèle appareil photo. Je compte bien profiter de ce voyage pour faire quelques clichés de matériel inédit pour moi. J'arrive à la gare à 9 heures moins le quart, comme toujours je suis en avance. Le train est bien affiché sur le tableau noir, n'ayant rien à faire je tourne en rond dans le hall en lisant tout ce qui passe devant mes yeux. Quelques trains arrivent ou partent, quelques voyageurs attendent avec moi, les yeux rivés sur le panneau d'affichage. Certains discutent entre-eux, ils ne parlent pas français. Avec son "flap flap" caractéristique, le grand tableau noir fait défiler chiffres et lettres à mesure que les trains partent. La voie du nôtre n'est pas encore affichée, et je ne sais pas d'où il arrive. Je commence à aller vagabonder sur le quai quand mon frère arrive, accompagné de ma mère. Nous patientons encore quelques minutes, puis un quai nous est attribué: nous partirons voie B. Alors que nous attendons, un autorail s'engage sur notre voie. Il est bleu, ses formes sont arrondies et son attelage proéminent lui donne un air étrange: c'est un X73500. C'est étrange, je n'ai vu que rarement ce type de matériel pour la direction de Chambéry. Simone, la voix de la SNCF, me donne raison "voie B, ce train ne prend pas de voyageurs". Tant mieux. Le quai n'était pas plein, mais on aurait été un peu à l'étroit dans ce petit engin. Il est déjà presque l'heure quand il s'en va, laissant la voie libre pour notre train... qui n'arrive pas. D'après Simone, des difficultés de gestion du trafic nous gratifient d'un retard de 5 minutes environ. Le train vient en fait de Valence, ça n'est donc pas étonnant. Les minutes passent, puis j'aperçoit 3 feux blancs, deux en bas et un en hauteur. Au loin, c'est un autre autorail bleu qui serpente sur les voies de dégagement de la gare. Il s'approche doucement, ses moteurs grondant d'un bruit sourd aisément reconnaissable, nous auront un X72500. En fait, il s'agit même de deux automoteurs couplés. Celui de devant pour Annecy, l'autre pour Genève. Nous montons donc en queue de rame, nous sommes quasiment seuls. Un couple de personnes âgées nous rejoint. Nous lançons un dernier au revoir à Maman et le train s'ébranle, quittant la gare à petite vitesse. Nous longeons les immeubles grenoblois et d'anciennes voies ne menant plus qu'à des herbes folles et nous bifurquons vers Chambéry avant d'arriver à Echirolles. Je ne suis jamais allé par là en train, et j'observe la ville sur la gauche. A droite, les voiturent foncent sur la rocade, doublant bus et camions facilement. Le train est confortable, mais un peu plus bruyant que dans mon souvenir. Guilhem lit, moi je préfère regarder dehors. Nous ralentissons pour marquer un court arrêt en gare de Grenoble-Université-Gières. La gare paraît petite, elle aurait sans doute était fermée comme tant d'autres si Grenoble n'accueillait pas une foule d'étudiant. Tant mieux, me dis-je, celle-ci peut se vanter de l'avoir échappé belle. Nous repartons et le paysage commence un peu à changer, nous laissons la ville derrière nous pour ne trouver plus que des arbres et quelques champs. La vallée du Grésivaudan s'offre à nous, la lumière du matin effleurant la dent de Crolles et les abruptes falaises l'entourant. Je pense a Yilun, et a ses "Papy et Mamie" qui habitent au pied. Mais nous continuons d'avancer, nous dépassons Brignoud, Goncelin... A Pontcharra nous ralentissons, la gare est en travaux. Un antique wagon stationne sur une voie de garage qui doit avoir vu bien des trains passer. Nous ne nous arrêtons pas, mais j'ai le temps de voir l'ancien panneau sur le quai. "Pontcharra s/ Breda" est écrit en lettre bleus sur un fond qui avait du être blanc. La gare est quant à elle rénovée, et nous la dépassons à petite vitesse. La signalisation indique au mécanicien qu'il peut accélérer pour retrouver une vitesse de croisière normale. La voie est toujours entourée d'arbres, nous passons sous de vieux ponts arrondis. Les montagnes se rapprochent, nous alons bientôt arriver à la bifurcation de Montmélian. Sur les versants de la montagne en face, je distingue des champs pentus, plus clairs que ce qui semble être une forêt, autour. A mesure que nous nous rapprochons, j'ai l'impression que la montagne va nous avaler, nous arrivons droit dessus. Les champs sont maintenant bien visible, et nous entamons un virage à gauche qui nous permettra de les éviter. Nous passons au ras du bas de la montagne, vraisemblablement aménagée il y a fort longtemps pour laisser la voie se frayer un passage vers Chambéry. Plus au nord encore, de gros nuages blancs surplombent la vallée, celle-là je ne la connais pas. Je me demande s'il ne va pas pleuvoir, des nuages grisâtres accompagnent en effet leurs compagnons. Nous arrivons à Chambéry-Challes Les Eaux après avoir traversé un tunnel courant sous la ville. Je me demande si nous allons continuer à être quasi-seuls, la gare étant importante. Deux amoureux attendent un train sur le quai en face, en se tenant la main. Il y a aussi des grands-parents avec leurs petits-enfants, sinon, la gare semble déserte. Personne ne monte, et nous repartons. En dépassant le hall, je m'aperçoit en fait que de nombreux voyageurs sont présents, avec la tête levée vers les panneaux d'affichage. J'oberserve le paysage ferroviaire avec attention, Chambéry étant un dépôt réputé. Quelques rames stationnent, mais il n'y a rien de bien exceptionnel. Mais l'immense rotonde fait enfin son apparition. Bâtiment symbole de toute une époque ferroviaire, ayant accueilli un nombre incalculable de machines, elle est classée aux Monuments Historiques. Pourtant, presque tous les carreaux sont cassés, l'ensemble ne paye pas de mine, c'est triste. J'entr'aperçoit l'intérieur et le temps d'un clin d'œil je me prends à rêver aux locomotives mythiques donc seuls les fantômes subsistent. Déjà nous sortons de la ville, nous laissons de coté de nombreuses voies menant vers des heurtoirs rouillés. Nous entamons une série de courbes et contre-courbes pour nous faufiler vers Aix-Les-Bains. L'afficheur digital du train indique que ça sera notre terminus, pourtant nous sommes censés continuer jusqu'à Bellegarde, juste avant Genève. Après un temps qui m'a paru très court, nous stoppons en gare d'Aix Les Bains Le Revard. Le contrôleur annonce que nous devons descendre et prendre un bus. Ca ne me réjouit pas, mais c'était couru d'avance, des travaux ont lieu sur un pont, plus au nord à Culoz. La gare est en travaux, je trouve le tout très moche. Des voyageurs se pressent dans un passage souterrain très étroit. J'entend des noms de ville au milieu des conversations, des gens demandent comment aller à Genève à l'agent de service. On se dirige vers la rue, et je découvre la facade de la gare. Ou plutôt les échafaudages qui la recoure. C'est toujours affreusement laid. En face, de l'autre coté de la rue, de nombreux hotels ou restaurants sont fermés, il n'y a qu'un bar et une maison de la presse qui semblent fonctionner encore. Le tout donnant un réel sentiment d'abandon. J'ai hâte de quitter la ville. Nous montons dans un bus de voyage gris, dont l'indicateur affiche "TER Travaux, Bellegarde Direct, Départ 10h26". Au moins, c'est bien organisé. Nous partons avec presque 10 minutes de retard et le chauffeur manœuvre dans des rues étroites pour faire demi-tour. En fait, la ville semble plutôt jolie une fois le quartier de la gare dépassé. Les ronds-points sont garnis de fleurs, il y a des fontaines, et les autres bâtiments sont en activité. Le bus est presque vide, la radio crachotte une chanson de Joe Dassin. Quand nous quittons la ville, le Lac du Bourget s'offre enfin à nous. J'avais très envie de le longer confortablement installé dans le train, mais ça sera pour une autre fois. De nombreux voiliers circulent sur les eaux bleu-vert du lac qui me paraît immense. Nous empruntons une route étroite, accrochée à la falaise par des blocs de bétons. De l'autre coté, la montagne remonte immédiatement en pente assez raide, tout est couvert d'arbre. Le car frôle la roche à de nombreuses reprises, devant les voitures ne vont pas vite. Guilhem a recommencé à lire, moi je surveille l'horloge du bus et la voie ferrée, qui émerge d'un tunnel et que nous traversons à de nombreuses reprises sur des passages à niveau en courbe. La falaise a laissé la place à des versants plus accueillants, et nous traversons de nombreux villages à faible allure, le lac toujours sur notre gauche. Le chauffeur a une conduite un peu nerveuse, on sent très bien qu'il a un horaire strict à respecter. Les hameaux se succèdent et se ressemblent, la nationale les traversant avec de nombreux virages. Nous quittons le lac et nous traversons des paysages verdoyants. Je surveille l'horloge du bus, nous aurions du arriver à Bellegarde depuis 20 bonnes minutes... Dix minutes avant l'heure de la correspondance, les panneaux indiquent enfin Bellegarde. Nous montons sur une colline par une succession de virages en épingle, puis nous redescendons rapidement au fond d'une vallée. J'aperçoit des toits rouge-orange qui se détachent des alentours vert profond. Puis je découvre une ville accrochée sur les berges de ce qui doit être le Rhône, et un très grand viaduc de béton la surplombe. C'est assez curieux, ça doit sans doute être l'autoroute pour Genève. On croirait un paysage de modéliste. Il ne reste que cinq minutes avant que le train ne parte, et le car se faufile au travers des ruelles étroites de la ville. Après une dernière côte, voici la gare, méconnaissable. Cachée par des échafaudages et des bâches, j'aurai crû que c'était un entrepôt. Le train part dans 2 minutes, on récupère nos bagages dans la soute et on se dirige vers les quais. Aucun panneau d'horaire n'est visible, tout est caché par les travaux... On choisit un quai au hasard, ouf, une Z2 bleue attend et une vieille pancarte indique Evian. Ca doit etre le notre. On monte a l'interieur, et le temps de souffler, je me rend compte de la vétusté des installations. Aucun panneau numérique ou même mécanique n'indique ou partent les trains. Il s'agit simplement de pancartes métalliques qu'un agent glisse dans des rainures. Dessus sont collés des bouts de papier avec l'heure de départ et la destination. Pourtant, cette gare accueille des TGV, et je me dis que les travaux sont justifiés. Nous quittons Bellegarde en traversant un long tunnel, puis nous arrivons dans une vallée très escarpée où seule la ligne de chemin de fer semble se frayer un passage. Nous traversons un viaduc qui enjambe le vide avec une belle hauteur et franchissons d'autres tunnels, plus courts. Le paysage est magnifique, et la voie unique continue son chemin pour arriver sur des terrains plus plats. Nous stoppons dans des petites gares très charmantes, aux installations elles aussi vieillissantes. Je pense avec regret au tintamarre médiatique du TGV-Est et me dit que la SNCF fonctionne réellement à deux vitesses. Mais voir ces gares encore occupées me met du baume au cœur, et je profite du paysage par la petite fenêtre de l'automotrice. Tout est vraiment vert par ici. Nous arrivons à Annemasse, où le train se coupe en deux. Nous continuons vers Thonon, où nous allons arriver dans peu de temps. La gare de Bons en Chablais, où habite un ami, est plus glorieuse, elle semble rénovée et des panneaux électroniques indiquent notre départ. Nous nous arrêtons plus longuement à Perrignier, où un long convoi de fret nous dépasse tout doucement en sens inverse. Je ne vois pas le Lac Leman du train, je me demande s'il est aussi grand qu'il ne l'est sur les cartes... Mais bientôt nous arrivons à Thonon Les Bains et avant de descendre du train, je remarque un plan du réseau sur lequel figurent des lignes que je ne connaissais que pour en avoir entendu parler sur Internet. Etrange, elles sont aujourd'hui fermées... Je regarde la date du plan, il a mon âge, édité en 1988... C'est triste. Nous sommes accueillis sur le quai par Jean-Pierre, le parrain de Gulhem, sa compagne et sa fille, Elisa. Nous sommes à l'heure! Avant de monter dans la voiture, je me retourne vers le bâtiment voyageur. Il fait peine à voir... Vraisemblablement construit du temps où le thermalisme était en vogue, il devait pourtant avoir fière allure dans le temps. Mais la peinture a décidé de prendre sa retraite, les volets sont pires que ceux d'une maison hantée, et les lettres SNCF des années 80 qui ornent le paravent renforcent l'impression d'une gare fantomatique. Le contraste avec l'intérieur entièrement rénové est plus que saisissant. Nous quittons le quartier de la gare et partons à la recherche d'un endroit où déjeuner. Malheureusement, tous les restaurants savoyards semblent fermés. Tant pis ou tant mieux, nous nous contenterons d'une pizza dans un restaurant italien. Après le repas, nous marchons un peu peu dans les rues piétonnes du centre-ville pour nous diriger vers le lac. Derrière la mairie, je le découvre enfin... Le sentiment d'immensité est saisissant. J'ai l'impression de me trouver face à une petite mer, mais le panorama sur la rive opposée ajoute quelque chose d'indescriptible. L'eau semble être d'un vert sombre vue du belvédère; seuls quelques bateaux viennent troubler sa tranquillité. Je trouve surprenant de voir une telle étendue d'eau si calme. Après avoir pris quelques photos, nous repartons vers le centre-ville. Un funiculaire automatique descend ses passagers vers le port en contrebas, et de nombreuses fontaines jalonnent les rues. Il commence a faire vraiment chaud, et l'heure de mon train approche. Nous rejoignons la gare; le petit hall est noir de monde. J'en devine la raison à la vue des écrans qui clignotent: un train a 30 minutes de retard. Je commence à penser que mon retour à Grenoble ne va pas être aussi simple que sur ma fiche horaire, j'ai trop l'habitude des retards sur voie unique pour penser que mon train sera à l'heure. Un peu plus tard, le retard du premier train passe à 50 minutes, et le mien est gratifié de 5 minutes. A ce rythme, il me restera 5 petites minutes pour changer à Bellegarde! Pourtant, juste après, Simone annonce son entrée en gare. Le quai est plein, et c'est donc d'un mauvais œil que je vois arriver la petite Z2 dans le virage. Heureusement, il y en a en fait deux, couplées entre elles. Après un rapide Au Revoir, je monte par la première classe, traverse le compartiment sans pouvoir m'empêcher de penser qu'il est inutile, et m'assois en seconde à coté d'une fenêtre pouvant s'ouvrir. La salle se remplit très vite, mais personne ne vient à coté de moi. Je baisse ma fenêtre, à la construction de l'automotrice à la fin des années 80, la clim dans les TER n'était pas encore à l'ordre du jour. Sur le quai d'en face, le train retardataire arrive enfin. J'agite ma main vers le quai d'où Elisa me répond par le même geste, dans les bras de Jean-Pierre. Nous partons avec les 5 minutes de retard annoncées et nous prenons rapidement de la vitesse. Je retraverse les gares et les paysages rencontrés à l'aller. Je remarque à un moment une immense carrière à flanc de montagne. Je ne l'avais pas vue avant, mais elle gâche vraiment le panorama. Perdu dans mes pensées, je me dis qu'on ne fait pas d'omelettes sans casser les œufs, qu'il faut bien de quoi construire nos maisons. Il fait très chaud dans le train, et à Annemasse un vieux monsieur s'assoit à coté de moi. Sa femme lui rappelle qu'il a oublié sa Vanity à l'entrée, et il repart donc la chercher. Je suis plongé dans mes revues et le reste du trajet vers Bellegarde passe assez vite. Juste avant d'arriver, tout le monde se lève, et le vieux monsieur, galant, propose à une jeune fille de lui descendre sa valise. J'esquisse un sourire, étant donné qu'il a eu du mal à mettre sa propre valise dans le porte-bagage. Le quai de la gare de Bellegarde est lui aussi noir de monde. Je me prépare psychologiquement à un voyage vers Grenoble long et pénible. Simone annonce alors mon train "Grenoble via Lyon Part-Dieu", et c'est avec un certain entonnement que je vois débouler une ZGC au fond du quai. Ce matériel a très mauvaise réputation dans le milieu des ferroviphiles, mais est très apprécié des voyageurs. Je me réjouis de pouvoir le tester par moi même: 3h de trajet m'attendent à son bord. Mais pour le moment, une seule chose m'importe: ce matériel flambant neuf est équipé de la climatisation! Avec un crissement suraigu, le train stoppe et je me dirige alors vers l'avant du quai, où la foule est plus éparse. Je monte à bord, et curieusement personne ne me suit. En réalité, les gens attendait le TGV suivant... Tant mieux! Je prend le premier siège disponible, l'air frais est une bénédiction. L'afficheur lumineux fait défiler "Grenoble via Lyon Part-Dieu" en lettres jaunes. Je suis bien sur le chemin du retour! Une sonnerie stridente annonce le départ, nous partons presque sans un bruit, en tout cas à l'intérieur. Avant de ressortir mes magazines, j'observe les alentours qui défilent à grande vitesse. On est très bas par rapport à la voie, le plancher accessible aux fauteuils roulants oblige. J'ai même l'impression d'être dans le ballast. Une première gare surgir de nulle part, Seyssel est indiqué sur d'anciens panneaux. Quelques voyageurs descendent, vraisemblablement des Suisses qui parlent de 15 août férié en France et de fête catholique ou protestante. Je suis toujours presque seul, personne ne monte. Je lis mes articles qui parlent de locomotives à vapeur et de lignes oubliées avec un pincement au cœur. Je ne relève la tête que dans les gares. Heureusement, cette fois mon train n'a pas été remplacé par un bus! Nous arrivons donc à Culoz par le rail, ne traversant pas le pont en travaux menant plus rapidement vers le Sud. Je fais en fait un grand détour, mon trajet par Lyon est deux fois plus long que par Aix et Chambéry. Mais c'était le seul disponible pour arriver assez tôt. Et puis je préfère largement le train au bus! La gare de Culoz me paraît elle aussi passablement décrépie. Je la connais de nom, pour la triste réputation qu'elle a. En effet, après notre départ, voici pourquoi: le ferrailleur de locomotive est bel et bien là. Du matériel que je n'ai vu qu'en photo s'offre à moi l'espace d'un instant: une motrice de rame à turbine à gaz, des RGP, X2800 et autres EAD pourrissent là. Les tagueurs se sont régalés: on devine à peine la livrée d'origine. Toutes les vitres ou presque ont été cassées par des gens malveillants. Une CC6500 éventrée par la pelleteuse du chantier m'attriste vraiment. Tout ça me fait une drôle d'impression. Certains ne voient en ces engins pas toujours si vieux que des vulgaires tas de ferrailles. Pourtant, je persiste dans mon idée: ils sont plus que ça, fruit d'une réflexion technologique et technique intense, il ont servi à de nombreux voyageurs à retrouver leurs proches, partir en vacances ou même découvrir la France. Nous sommes dans le fond étroit d'une vallée encadrée par d'abruptes falaises. J'ai l'impression que seule voie ferrée passe par là, mais bientôt une route apparaît derrière les arbres, me donnant tort. Nous dépassons plusieurs villages et leurs gares plus ou moins abandonnées, puis la vallée s'élargit de plus en plus et les falaises deviennent des collines. Nous arrivons à Ambérieu En Bugey. Une vieille locomotive trône sur un rond-point, sur ma gauche. Le triage est immense et s'étend dans deux direction opposées, vu du ciel, l'ensemble doit former un triangle. J'avais déjà vu le nom d'Ambérieu pour le ferroviaire, mais je n'arrive pas à me souvenir pourquoi, si c'est un dépôt ou non. En tout cas, nous dépassons de nombreux postes d'aiguillages, laissant de coté d'innombrables files de rail, avant d'arriver à quai. Il y a du monde sur le quai, mais seules quelques personnes montent à l'avant, la plupart restant agglutinées autour des entrées ou des passages souterrains. Le contrôleur annonce alors que nous repartirons en retard, à cause d'une personne sur la voix. Les traditionnelles critiques à l'encontre de la SNCF s'échappent de la bouche de jeunes filles venant de monter. Je les trouve un peu dures: cette fois, ça n'est pas la faute de l'entreprise ferroviaire. Auraient-elles préférées que nous écrasions un agent de sécurité ou bien une personne voulant se suicider? La lecture de témoignages sur les "accidents de personnes" les auraient peut-être fait réfléchir. D'autant que nous repartons quelques minutes après seulement. Les gares défilent jusqu'à Lyon, je me souviens de quelques noms pour les avoir dépassées sur l'ordinateur. La grande ville approche, le paysage est de moins en moins intéressant. Nous dépassons la gare abandonnée de Lyon Saint-Clair à pleine vitesse. Les emprises ferroviaires sont laides, chaque centimètre carré de béton accessible est tagué. Nous atteignons la gare de Part-Dieu et presque tout le monde descend. Par la fenêtre, je vois le flot de voyageur se diriger vers les passage souterrain. J'aime voir la diversité des gens dans les gares: la jeune femme avec son chat dans sa caisse, l'homme d'affaire stressé, la grand-mère souriant à ses petits-enfants l'attendant sur le quai et même les timides un peu perdus qui regardent les panneaux d'affichage comme une pierre précieuse. Une dame et son fils monte, ainsi qu'un homme chargé d'un énorme sac de sport, puis nous partons. L'indication "Grenoble" a remplacé la précédente sur l'afficheur lumineux. Dans une heure et vingts minutes, je serais arrivé. Quelques instants après le départ, l'homme au sac de sport me demande si je peux lui prêter un de mes journaux. J'accepte, lui disant que ça ne va pas beaucoup l'intéresser, sachant que ça ne concerne que les trains. Il me dit qu'il se passionne pour tout et retourne s'asseoir sur son strapontin, tout prêt. Je regarde le paysage ferroviaire défiler: les voies sont nombreuses, les sauts-de-moutons fréquents. J'aperçois un dépôt, peut-être Vénissieux ou Lyon-Mouche, je ne sais pas. Je pense longer la PLM qui descend vers Marseille quand un panneau "Grenoble Circul" m'indique que mes repères géographiques sont mauvais. Du coin de l'œil, j'observe celui qui m'a emprunté ma revue. Il feuillette les pages, s'arrêtant sur certaines, il a l'air plongé dans sa lecture. Plus tard, il me la rend en me disant que ça parle beaucoup de vieux trains. J'acquiesce, il m'avait emprunté Objectif Rail, très axé sur le passé et acerbe sur la politique actuelle de la SNCF. J'aime beaucoup cette revue, aux articles de très bonne qualité littéraire écrits par des passionnés qui voient comme moi d'un très mauvais œil l'état global du réseau ferré français. J'y ai appris que la ligne Bayonne - Saint Jean Pied de Port était actuellement fermée, sans que personne ne s'en émeuve au niveau national, que les lignes du Massif Central était pourrissantes (ralentissements à 40 km/h voire 30 sur une bonne partie de certaines portions) et que le fret s'était écroulé sur la ligne 1 vers Starsbourg. Alors que je ressasse tout ça dans ma tête, il me demande s'il peut m'emprunter l'autre revue. Je réponds "bien sûr", un peu amusé par ce drôle de bonhomme qui lit ce qui lui tombe sous la main pour faire passer le temps. Le contrôleur passe, contrôle nos billets, puis disparaît. De mon coté, ayant terminé mes deux magazines, je recommence à observer le paysage. La proximité des rails par rapport à un train classique me donne l'impression que nous sommes toujours en descente, c'est assez curieux. Nous croisons quelques trains donc je ne vois que le bas de caisse quand ils sont à notre niveau, et nous brûlons de nombreuses gares petites et moyennes. Au loin, je reconnais les contreforts du Vercors et la vallée au bout de laquelle se trouve Grenoble. Nous arrivons parallèlement à l'entrée de la vallée au lieu de nous diriger sur elle, mais je sais que c'est normal, la ligne sur laquelle nous nous trouvons ayant en fait un parcours assez étrange. Nous nous rapprochons assez vite et après peut-être 10 ou quinze minutes, nous entamons une très grande courbe pour nous diriger vers Voiron. La voie fait un détour conséquent, tout en courbe, uniquement pour desservir cette ville. La gare est en hauteur par rapport à la ville, et elle est donc en virage, ce qui est assez étrange. Nous marquons l'arrêt puis repartons rapidement, nous allons bientôt rejoindre la ligne que je connais par cœur entre Moirans et Grenoble. A Moirans, j'observe l'avancée des travaux de la ligne Grenoble-Valence. Une nouvelle potence a fait son apparition, les arbres qui empiétaient sur le quai ont été coupés, celui-ci écourté vers Valence mais rallongé vers Grenoble, tout ceci libérant de la place pour le futur plan des voies. Tout n'est pas si noir pour le ferroviaire, finalement! J'ai hâte d'arriver, j'ai très soif. Nous dépassons Voreppe, plusieurs autres trains, et nous ralentissons enfin à l'approche de Grenoble. Je descend du train, nous sommes pile à l'heure! Je prend quelques photos de la rame que je n'avais en fait jamais vue à Grenoble et me dirige vers la station de tram. J'avoue que je suis heureux de retrouver la ville après cette journée marathon et la routine peut recommencer...

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