Billard d'antan



Comme vous le savez sans doute, les journées du patrimoine se sont tenues ce week-end. À cette occasion, les Voies Ferrées du Velay organisaient plusieurs circulations sur leur ligne, qui relie Dunières en Haute-Loire à Saint Agrève en Ardèche. Une occasion à ne pas rater: sauf si un événement spécial est organisé, la fin de la saison du 29 septembre prochain marquera également celle du tronçon Dunières - Raucoules. Malheureusement, les rails et traverses de ce tronçon devraient en effet céder sa place au goudron d'une "voie verte". Dimanche marquait donc le dernier jour pendant lequel il était possible de parcourir l'ensemble de l'itinéraire Dunières - St Agrève, l'exploitation touristique habituelle se faisant par tronçon.
C'est donc ce que j'ai fait, à bord de différents engins pour la plupart hérités de l'ancien réseau des CFD (Chemins de Fer Départementaux) du Vivarais, qui rayonnait sur un peu plus de 200 km entre Ardèche et Haute-Loire. Les petites lignes à voie métrique qui le consituaient complétaient le réseau des grandes compagnies: l'objectif était de desservir par le train un maximum de commune. Le plan Freycinet, élaboré à la fin des années 1870, visait tous les chefs-lieux de cantons, c'est vous dire! Aujourd'hui, seules les lignes Dunières - St Agrève et St Jean de Muzols - Lamastre ont survécu à la fermeture de 1968.
Malgré des horaires pas vraiment respectés qui m'ont fait rater mon TGV, je n'ai pas été déçu du voyage. Pour ces adieux à une partie de la ligne, en dépit de la grisaille et de la bruine, les voyageurs étaient venus en nombre pour profiter des beaux paysages du Massif Central. Car à la vitesse à laquelle se déplacent les trains, on a tout le temps de le faire, croyez moi :) L'ambiance était au rendez-vous dans les gares, avec des croisements, des dépassements et des manœuvres pour le plus grand plaisir des passagers. Pour quelques heures, les Voies Ferrées du Velay ont fait revivre l'animation qui devait régner au passage des trains, quand ces derniers étaient encore le moyen de transport privilégié de ces régions mal desservies par la route. Et que dire de tous ces gens qui saluent le passage des belles locomotives à vapeur, au passage à niveau ou à leur fenêtre! Cela fait  vraiment plaisir à voir. Un coup de sifflet et c'est un sourire assuré sur le visage de tous les curieux!
Il faut dire qu'elles avaient fière allure, les machines de l'association. Entre les vapeurs, les diesels et les autorails, il y avait de quoi faire. La photo illustrant cet article montre un autorail Billard, construit en 1939 par la firme du même nom, à Tours. Il s'agit plus précisément d'un A 150 D2, autorail articulé dont seulement 4 exemplaires ont été fabriqués: le n°222 est le seul qui a été préservé. À ce titre il a été classé monument historique. Une belle distinction pour un autorail qui assurait certaines relations sous la dénomination "Flèche des Cévennes", un peu comme une sorte de TGV local avant l'heure (l'association a même restauré les plaques portant cette mention, on les devine en orange sur le flanc gauche). Bien que les A 150 D2 soient plus longs et plus capacitaires que la majorité de leurs homologues, les autorails Billard sont emblématiques des réseaux secondaires français. Avec leur peinture rouge, ils étaient symboles de modernité et de confort dans un monde alors dominé par la vapeur. Du fait de leur grande robustesse, un nombre non négligeable d'entre eux a traversé les décennies: de nos jours, ces grands-pères du rail font le bonheur des touristes et des amateurs. Pour ma part, je leur trouve un charme désuet particulièrement sympathique, d'autant que j'aime beaucoup ce qu'ils représentent: une véritable volonté de service public et un transport ferroviaire de proximité, pour tous. Je suis bien content d'avoir pris place à bord de deux d'entre eux ce week-end!
Pour en revenir à l'infrastructure, la photo a été prise en gare de St Agrève. En noir et blanc et avec un tout petit peu d'imagination, on pourrait se croire revenu dans les années 50 quand le réseau des CFD était encore exploité en service régulier. Entre l'autorail, le château d'eau et le pont tournant, tous les ingrédients ou presque répondent présents. D'ailleurs, pour un voyageur lambda et en dehors des détournements occasionnels des TER sur la Rive Droite, cette gare est la seule par laquelle il est possible d'arriver en train en Ardèche depuis un autre département :)
Vous l'aurez compris et ce n'est pas très étonnant, j'ai été très heureux de pouvoir parcourir cette ligne. Même si je préfère les trains lorsqu'ils ont une vrai vocation de transport, les touristiques font revivre un passé révolu qui ne devrait pas tomber dans l'oubli. Les bénévoles font un travail formidable pour entretenir voies, matériels roulants et bâtiments. Et puis un coup de sifflet de locomotive à vapeur résonnant dans la campagne, c'est quand même quelque-chose...

Pour terminer, je vous invite grandement à faire un tour sur les Voies Ferrées du Velay si vous passez dans les parages. Vous trouverez d'avantage d'informations sur leur site: http://www.asso-vfv.net.

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